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PRÉPARATION MENTALE II
06.09.19
PRÉPARATION MENTALE II

Un court article sur la préparation mentale selon Loïc Gouzerh

                En mars dernier, j’écrivais un « court » article décrivant quelques principes fondamentaux de la préparation mentale. En complément, voici une autre approche que m’a présentée LOÏC GOUZERH, Préparateur Mental professionnel depuis 12 ans, couplée à des références issues de mon cursus en psychologie.

                Sept niveaux entrent en jeu dans la préparation d’un sportif. Les quatre premiers sont liés à la personnalité et à tout ce qui est consciemment accessible. Ce sont le corps, l’énergie, les émotions et les cognitions. L’ordre est important car chaque niveau interagit avec les paliers suivants et précédents. Les trois derniers niveaux dits « supérieurs » se rapproche un peu plus du domaine de la spiritualité et de l’inconscient. Spiritualité non pas au sens religieux mais au sens de l’élévation de soi. Ce sont les hautes pensées, les croyances ou les rituels et l’état d’esprit.

                Le corps est la première composante, celle sur laquelle reposent toutes les autres. Le corps est évidemment lié aux pratiques sportives effectuées, aux échauffements et aux étirements, mais aussi à l’alimentation, très importante se sentir au mieux. Le corps évolue avec le temps et il garde souvent les traces de ce qu’il a vécu comme par exemple les blessures passées. C’est un aspect à ne pas négliger, et l’un des points sur lesquels le préparateur mental doit se tenir informé.

                L’énergie est l’interface entre le corps et les émotions. Elle peut se rapprocher de certains concepts psychologiques comme l’arousal (excitation / éveil), les tendances à l’action qui sont une composante importante des émotions (Frijda, Kuipers, & ter Schure, 1989), ou encore l’énergie libre qui maintient l’équilibre entre l’environnement et les croyances (Friston, 2009). La motivation peut être définie comme l’énergisation des comportements (Elliot, 2006). Mais le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance de la motivation (Vallerand & Thill 1993), donc de l’énergisation, sont définis par les niveaux supérieurs.

                Les émotions se seraient maintenues au cours de l’évolution car elles apporteraient des avantages pour la survie et pour la reproduction. Comme mentionné précédemment, ces avantages peuvent s’exprimer au travers des tendances à l’action que possèdent les émotions. Les tendances à l’actions sont autant physiques que cognitives. Elles orientent et mobilisent l’énergie disponible. Qui dit émotion dit aussi régulation. La gestion des émotions est particulièrement importante chez le sportif, souvent confronté au succès ou à l’échec. Les émotions proviendraient à la fois des sensations corporelles subjectives et des évaluations cognitives de la situation (Scherer, 2005).

                La cognition se rapporte à l’ego, à l’attention, à la mémorisation et à l’auto-évaluation de nos capacités à accomplir certaines tâches. Ici, a cognition est essentiellement consciente. Elle permet de mettre en œuvres des stratégies de régulation des émotions parmi lesquelles la minimisation ou l’augmentation de l’importance d’un objectif, l’engagement ou le désengagement d’un but, la réévaluation des causes (qui, comment, pourquoi ?) et des conséquences de la situation, la focalisation sur les conséquences positives… (Scherer, 2001). Au niveau attentionnel, on peut se concentrer sur ce qui est nécessaire à la réalisation du but ou se détourner de ce qui y fait obstacle comme par exemple la douleur lors d’un effort physique intense (Tenenbaum, G., & Connolly, 2008 ; Legrain, 2009).

                Les hautes-pensées comprennent les intuitions et les valeurs qui nous sont chères. L’importance de la victoire, ce qui fait de quelqu’un un compétiteur, fait partie de ces valeurs. Plus généralement, appartiennent aux hautes-pensées toutes les réflexions sur le sens de sa pratique sportive, sur le sens de sa vie… Ce sont des pensées, des idéaux, qui sont rattachées à notre identité. Les buts liés aux hautes-pensées sont importants et peuvent engendrer facilement des émotions (Higgins, 1987). La satisfaction de ces buts est source de plaisir ce qui en fait d’importants motivateurs intrinsèques (Deci & Ryan, 2000).

                Les croyances et les rituels peuvent être très divers et pas nécessairement religieux. Ils peuvent être un vêtement fétiche, un rituel comme le haka des All Blacks, ou des habitudes liées à des croyances de victoire, comme par exemple les comportements superstitieux de Rafael Nadal (Rudski, 2001 ; Burger & Lynn, 2005). Ces rituels peuvent avoir pour objectifs de sublimer la performance sportive ou de réduire l’anxiété via l’illusion de contrôle qu’ils induisent (Watson, 1967 ; Sanderson, Rapee & Barlow, 1989). Le terme illusion n’est ici absolument pas péjoratif car l’illusion peut être confirmée. On pourrait le replacer par « sentiment de contrôle ». Le rituel, qui ne devrait normalement pas impacter les chances de victoire, va donner au sportif plus de confiance en lui. Or, dans le domaine sportif où tout n’est pas dû au hasard, la confiance en soi aide à performer.

                Le dernier niveau est l’état d’esprit. C’est l’importance accordée aux choses. De nombreuses théories postulent l’existence d’une hiérarchie des buts et des besoins (Higgins, 1987, Scherer, 2001, Conway, 2005). Je l’ai brièvement évoqué dans la partie cognition en disant que pour réguler ses émotions, on peut réduire l’importance de certains objectifs, donc leur place dans la hiérarchie. Dans le niveau « état d’esprit », les buts sont plus importants, plus généraux et moins conscients que les objectifs de la partie cognition. Ce sont les rêves auxquels on aspire. Ils portent sur cinq domaines : la vie individuelle, la vie de couple, la vie de famille, la vie professionnelle et la vie sociale. Au sein de ces domaines, la vie individuelle doit être la plus importante pour le sportif de haut niveau. D’une manière similaire, la théorie des motifs postule que nous avons des besoins inconscients qui nous poussent à rechercher l’accomplissement, le pouvoir ou l’affiliation (Geen, 1995). Les meilleurs compétiteurs, ceux qui persistent le plus longtemps dans les tâches difficiles, ont un motif d’accomplissement élevé.

 

Fabien Pavy

 

Bibliographie

Burger, J. M. & Lynn, A. L. (2005). Superstitious Behavior Among American and Japanese Professional Baseball Players. Basic and applied social psychology, 27(1), 71-76. https://doi.org/10.1207/s15324834basp2701_7

Conway, M. A. (2005). Memory and the self. Journal of memory and language, 53, 594-628. https://doi.org/10.1016/j.jml.2005.08.005

Elliot, A. J. (2006). The Hierarchical Model of Approach-Avoidance Motivation. Motivation and emotion, 30(2), 111-116. Repéré à https://link.springer.com/article/10.1007/s11031-006-9028-7

Frijda, N. H., Kuipers, P., & ter Schure, E. (1989). Relations among emotion, appraisal, and emotional action readiness. Journal of Personality and Social Psychology, 57, 212–228

Friston, K. (2009). The free-energy principle: a rough guide to the brain?. Trends in Cognitive Sciences, 13(7), 293-301. https://doi.org/10.1016/j.tics.2009.04.005

Geen, R., G. (1995). Chapter 6: The thematic approach: achievement, affiliation and power. Dans Human motivation: A social psychological approach (136-162). Belmont, CA, US: Thomson Brooks/Cole Publishing Co.

Higgins, E. T. (1987). Self-discrepancy: a theory relating self and affects. Psychological review, 94(3), 319-340

Legrain, V., Damme, S. V., Eccleston, C., Davis, K. D., Seminowicz, D. A., & Crombez, G. (2009). A neurocognitive model of attention to pain: Behavioral and neuroimaging evidence. Pain, 144(3), 230. https://doi.org/10.1016/j.pain.2009.03.020

Rudski, J. (2001). Competition, superstition and the illusion of control. Current Psychology, 20(1), 68-84. https://link.springer.com/article/10.1007/s12144-001-1004-5

Sanderson, W. C., Rapee, R. M. & Barlow, D. H. (1989). The Influence of an Illusion of Control on Panic Attacks Induced via Inhalation of 5.5% Carbon Dioxide-Enriched Air. Arch gen Psychiatry, 46(2), 157-162. doi:10.1001/archpsyc.1989.01810020059010

Scherer, K. R. (2001). Appraisal considered as a process of multi-level sequential checking. In K. R. Scherer, A. Schorr, & T. Johnstone (Eds.), Appraisal processes emotion: Theory, methods, research (pp. 92–120). New York: Oxford University Press, 92–120.

Scherer, K. (2005). What are emotions? And how cant they be measured ? Social Science Information, 44(4), 695-729. https://doi.org/10.1177/0539018405058216

Tenenbaum, G., & Connolly, C. T. (2008). Attention allocation under varied workload and effort perception in rowers. Psychology of Sport and Exercise, 9(5), 704–717. https://doi.org/10.1016/j.psychsport.2007.09.002

 

 

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